Cinéma

par Jacky Barozzi 29 mars 2025
« Le Joueur de Go » de Kazuya Shiraishi, avec Tsuyoshi Kusanagi, Kaya Kiyohara et Taishi Nakagawa. Beau portrait, en costume, de Yanagida, un gentilhomme japonais de l’époque féodale, menant une vie retirée avec sa fille unique et consacrant ses journées entières au jeu de go. Jusqu’au jour où son honneur étant mis en cause, il se voit contraint de retirer son sabre de son étui et appliquer le code moral du parfait samouraï qu’il était et qu’il demeure. Alternant l’action éclair et la lenteur, Kazuya Shiraishi nous propose un film formellement classique, aussi flamboyant que notre récent Les trois mousquetaires , qui en fait étaient quatre, là où Yanagida est un pion résolument solitaire. Belle leçon qui nous démontre, s'il en était besoin, qu’un pion bien pensant et bien placé peut changer la face des choses… https://www.youtube.com/watch?v=21ls0TdujEk
par Jacky Barozzi 25 mars 2025
« La Cache » de Lionel Baier, avec Dominique Reymond, Michel Blanc, William Lebghil, Ethan Chimienti et Liliane Rovère. J’ai été plutôt agréablement surpris par le film de Lionel Baier, adapté librement du roman éponyme de Christophe Boltanski (le neveu de Christian), prix Femina 2015. J’étais allé le voir principalement pour Michel Blanc dont ce fut le dernier film avant sa mort soudaine. Tourné dans l’appartement familial de la rue de Grenelle d’une tribu haute en couleur dont le prince est un enfant de 9 ans, le film s’organise autour d’une mystérieuse cache qui, tandis que nous sommes plongés au coeur des événements de mai 68, nous renvoie en écho à une période plus sombre de notre histoire. Quand le grand-père de la famille, porteur de l’étoile jaune, devait alors se planquer dans un réduit des tréfonds de l’appartement, à la manière de la petite Anne Franck d’Amsterdam. Résultat des courses. Lionel Baier nous livre une oeuvre déjantée, assez cérébrale dans le fond et allègrement graphique et inventive dans la forme. Du cinéma d’auteur, très codé nouvelle vague, où il beaucoup question de sémantique tout autant que de politique et à l’esthétique de bande dessinée. L’occasion pour Michel Blanc de tirer sa révérence en beauté et pour nous de découvrir une comédienne rare en la personne de Dominique Reymond et une Liliane Rovère très drôle en aïeule nostalgique de sa vieille Odessa originelle. Un ovni qui nous change quelque peu de la production cinématographique habituelle. https://www.youtube.com/watch?v=-NJM3MGF1dQ 
par Jacky Barozzi 23 mars 2025
« The Last Showgirl » de Gia Coppola, avec Pamela Anderson, Dave Bautista et Jamie Lee Curtis. Plutôt mourir sur scène que de quitter les feux de la rampe ! Shelly ne veut pas entendre parler de retraite, elle qui brille de tous ses feux sur la scène de la plus célèbre revue de cabaret de Las Vegas (l’équivalent local du Lido de Paris) depuis 30 ans. Même si elle est passée, au fil du temps, de la première place au dernier rang de la troupe, elle ne se sent bien qu’en pleine lumière. Vie familiale ou amoureuse, elle a tout sacrifié à sa vocation de danseuse dont elle se fait une haute idée. Un royaume de strass et de pacotilles dont elle n’est pourtant pas dupe mais qui remplissait parfaitement sa vie. Hélas, passablement datée et en perte de vitesse, la revue est brutalement arrêtée par les producteurs et les danseuses licenciées sans pitié par un préavis annonçant leurs dernières représentations. Dur dur pour Shelly, 57 ans non avoués, qui est la plus vieille de la troupe. Pourtant plus fourmi que sa cigale de copine Annette, qui s’est reconvertie en serveuse de casino quelques années plus tôt, Shelly est totalement désemparée. Gia Coppola réussit un bien joli film, quelque peu politiquement incorrect par nos temps de polémique sur la retraite à 64 ans, et anti wokiste : nos vieilles danseuses ne rechignant pas à ce qu’on leur pince les fesses à l'occasion ! Pamela Anderson trouve là un rôle inopinément à sa mesure, en danseuse suant sang et eau pour rester à niveau, même si elle minaude un peu trop et nous fait sa Marilyn. Elle témoigne néanmoins de suffisamment de talent pour éviter de se faire piquer la vedette par l’incroyable Jamie Lee Curtis dans le rôle de Annette. Une reconversion possible pour l’ancienne bimbo d’Alerte à Malibu ? C’est tout le bien que je lui souhaite ! https://www.youtube.com/watch?v=Sq8sBzi3rGY
par Jacky Barozzi 22 mars 2025
« Baby » de Marcelo Caetano, avec João Pedro Mariano, Ricardo Teodoro et Bruna Linzmeyer. Caliente, la vie queer à la sauce brésilienne ! C’est hard, hautement romantique et puissamment réaliste, à l’image des viriles amours entre le jeune Wellington dit Baby, 18 ans, et Ronaldo, un homme mûr et sexy, qui pourrait être son père, et deviendra son amant et mentor en lui apprenant à survivre grâce à son corps… Un film écrit et réalisé par le cinéaste brésilien Marcelo Caetano, porté par des comédiens authentiques et habités, présenté en compétition au dernier Festival de Cannes. Superbe comme le tendre et violent « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti, transposé dans le milieu baroque et interlope de « L’homme blessé » de Patrice Chéreau ! https://www.youtube.com/watch?v=enDLq68EbG4 
par Jacky Barozzi 20 mars 2025
« Lumière l'aventure continue » de Thierry Frémaux. Il y a 130 ans, les frères Lumière mettaient un point final à l’invention collective du cinéma. Nous offrant, de plus, en guise de mode d’emploi un merveilleux catalogue des possibilités offertes par cette invention consistant, après celle de la photographie, à rendre mobiles les images. C’est une lumineuse initiative que d’avoir restauré plus de 120 de leurs films, pour la plupart inédits, et de les avoir monté bout à bout pour nous les donner à voir aujourd’hui sous forme d’un puzzle reconstitué. Où l’on peut voir que, au commencement, le cinéma, triomphe de la société industrielle, de la modernité, du progrès et de la mondialisation, avait déjà tout inventé : les plans séquences, les travellings panoramiques, le documentaire naturaliste ou ethnologique, le film de fiction dramatique, réaliste, fantaisiste ou comique… C’est une bonne idée aussi que d’avoir choisi divers morceaux de Gabriel Fauré, un compositeur contemporain, pour accompagner ces « images en mouvement » tournées entre 1895 et 1905 par les deux frères et leur équipe d’opérateurs. Quoique celles-ci se seraient tout aussi bien accommodées d’être musicalement soulignées - le cinéma étant par essence un art collectif-, par la musique d’autres compositeurs de l’époque. Mais si l’on se souvient qu’à l’origine le cinéma était muet ( silent movies , disent nos amis américains) c’est peut-être une moins bonne idée que d’avoir couronné le tout du commentaire quelque peu intrusif, bien que le plus souvent instructif, de Thierry Frémaux. Celui-ci ne donne t-il pas à ce film, qui aurait pu être éminemment poétique et féérique, un côté bavard, didactique, versant parfois dans un excès de lyrisme, là où des informations factuelles, sous forme de légendes, auraient suffit à nous permettre de déployer en toute liberté notre imagination ? https://www.youtube.com/watch?v=YMGimCrOtFs
par Jacky Barozzi 18 mars 2025
« Vers un pays inconnu » de Mahdi Fleifel, avec Mahmood Bakri, Aram Sabbah et Mohammad Alsurafa. Voilà un film bien dérangeant ! Qui nous donne à recevoir en pleine gueule une réalité tellement désespérante, que l’on aurait plutôt tendance, par un réflexe bien naturel d’autodéfense imunitaire, à vouloir ignorer. Tant la problématique singulière, qu’entre toute la misère du monde, ce film soulève nous apparait insoluble. Ici, les protagonistes se retrouvent dans une situation piégée et affrontent un combat qui nous semble perdu d’avance. C’est une histoire d’apatrides en quête d’un exil illusoire… Entre réalisme et fiction, documentaire et thriller politico-social, « Vers un pays inconnu » s’attache aux faits et gestes de Chatila (un prénom qui est à lui seul tout un symbole) et Reda. Deux cousins palestiniens qui se sont échappés de l’un des nombreux camps de réfugiés de Syrie et du Liban et ont échoué tant bien que mal à Athènes. On est loin de Gaza, où il n’est déjà plus question de retourner. Ensemble, ils n’ont à leur disposition pour survivre que de recourir aux actes les plus délictueux. Hors de toute loi et morale, ils tentent de réunir une somme importante leur permettant d'acquérir de faux passeports et de s’envoler vers l’Allemagne, où ils rêvent de pouvoir ouvrir un café arabe… Ce premier film de fiction du cinéaste palestinien, réfugié au Danemark, Mahdi Fleifel, qui avait précédemment réalisé un documentaire sur les camps de réfugiés palestiniens, a été présenté à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes en 2024. Un scénario et un film remarquablement maîtrisés, où les deux acteurs principaux, tout aussi palestiniens et remarquables, ne sont pas sans évoquer le célèbre duo des deux paumés de « Macadam Cowboys » de John Schlesinger (1969), l’un des cinéastes américains des années 1970 dont se réclame le réalisateur palestinien. Un film efficace, où l’empathie l’emporte sur le jugement et, quoique noir de noir, ne nous donne pas à désespérer complètement de l’humanité. https://www.youtube.com/watch?v=It_kS86648s
par Jacky Barozzi 15 mars 2025
« Parthenope » de Paolo Sorrentino, avec Celeste Dalla Porta, Stefania Sandrelli et Gary Oldman. Après « La Grande Bellezza » (2013), qui célébrait la beauté incomparable de Rome, et convoquait au passage le génie de Federico Fellini, avec « Parthenope » Paolo Sorrentino rend un hommage tout aussi appuyé à sa ville natale, Naples, placée sous le haut patronage cette fois-ci de Jean Renoir et de son célèbre « Carrosse d’or ». Un film essentiellement esthétisant et cinéphilique à la gloire de Naples et de sa légendaire baie, via le portrait d’une muse imaginaire à la plastique phénoménale, Parthénope, fille spirituelle de Sophia Loren et de la mer, du début des années 1950 jusqu'à nos jours. Une histoire mythologique et anthropologique, évoquant les « Enfants terribles » de Jean Cocteau, où en privilégiant le luxe et la beauté, éphémère, forcément éphémère, de son héroïne et celle plus intemporelle de sa ville, le film de Paolo Sorrentino prend le contre pied de la saga populaire et sociologique de « L’amie prodigieuse » d’Elena Ferrante. Un film nostalgique sur le passage du temps, qui passe trop vite, et nous vaut de revoir, non sans émotion, Stefania Sandrelli. Beau, incontestablement, mais passablement passéiste, comme si le cinéma italien, riche de trop de culture et de mémoire peinait désormais à se renouveler ? https://www.youtube.com/watch?v=BeCKceHIeMc
par Jacky Barozzi 9 mars 2025
« Mickey17 » de De Bong Joon Ho, avec Robert Pattinson, Naomi Ackie, Steven Yeun, Toni Collette, Anamaria Vartolomei et Mark Ruffalo. Je suis très partagé sur le dernier film de Bong Joon Ho. D’un côté, c’est bien foutu, bien joué, les effets spéciaux sont appropriés et de l’autre, le message à caractère humaniste de cette fable dystopique ne manque pas de nous renvoyer à notre contemporaine réalité. Quand on entend aujourd’hui Donald Trump et son comparse Elon Musk ne sommes-nous pas déjà plongés dans un univers surréaliste de science fiction ? Plus proche du cauchemar que du rêve ! Tout ça est bel et bien conté. Et pourtant le film m’a paru tout du long quelque peu laborieux, limite ennuyeux. La cause en est peut-être que « Mickey7 », le roman de l’américain Edward Ashton, est devenu ici « Mickey17 ». Rallongeant, abusivement plus qu’efficacement, la sauce de dix clonages supplémentaires de son héros, le réalisateur coréen, en parfait Monsieur Plus, prolonge la durée de son film au-delà des deux heures. Too much, or not too much, that is the question ? https://www.youtube.com/watch?v=tA1s65o_kYM
par Jacky Barozzi 8 mars 2025
« Black Dog » de Hu Guan, avec Eddie Peng, Liya Tong et Jia Zhangke. Comment se relever et reprendre la route quand votre vie personnelle est aussi chaotique que le pays où s’enracine votre destin ? En renouant le fil de sa propre histoire, de père en fils, et en recourant aux dieux de la mythologie chinoise, ainsi que nous le conte brillamment Hu Guan dont le film a reçu le Prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes. À sa sortie de prison, Lang, responsable, dix ans plus tôt, de la mort plus ou moins involontaire d’un jeune homme de sa ville, située à l’orée du désert de Gobi, entre le nord de la Chine et le sud de la Mongolie, s’en retourne chez lui. Devenu quasi mutique, il apprend que son père, rongé par l’alcoolisme et l’amertume, a déserté leur maison et travaille désormais dans un zoo en voie de désaffection, tandis la ville toute entière est la proie de terribles engins de démolition. Nous sommes à la veille des Jeux Olympiques de 2008, l’occasion pour le pays d'afficher une vitrine séduisante de la Chine moderne ! Dans ce décor pré-apocalyptique, où une horde de chiens sauvages a remplacé les habitants, Lang, n’aura pas d’autre choix que de traquer lui-même les chiens errants pour le compte des autorités locales. Jusqu’à sa rencontre avec le plus rebelle et le plus cruel d’entre eux, un lévrier noir, indomptable et efflanqué, qu’il va finir par amadouer. Leur deux solitudes s’étant adoptées l’une l’autre. Ainsi, Lang, telle la divinité chinoise Erlang, habituellement représentée en parcourant les cieux avec un chien élancé et racé à ses côtés, va errer à travers les décors fantomatiques de cette ville, traversée seulement par une troupe de cirque ambulant. Un beau film d’auteur audacieux, qui rappelle en bien des points le cinéma désenchanté de Jia Zhangke, qui joue d'ailleurs ici le rôle de l’ oncle Yao, avec une mise en scène et une photographie superbement soignées, qui n’est pas sans analogies avec le magistral « White God » du cinéaste hongrois Kornél Mundruczó (2014). Et aussi les westerns stylisés de Sergio Leone. À noter la formidable prestation de Eddie Peng, dans le rôle de Lang, et celle tout aussi attachante du lévrier noir. https://www.youtube.com/watch?v=51jvOeMrGvU
par Jacky Barozzi 5 mars 2025
« L’Énigme Velázquez » de Stéphane Sorlat, avec la voix off de Vincent Lindon. Quand on regarde les toiles de Vélasquez (1599-1660), on voit un peintre en train de peindre les décors ou les paysages et les modèles qu’il nous donne à regarder. On découvre que le peintre et ses personnages nous regardent aussi, d’un air amusé et distant, comme semblant nous inviter à entrer dans le tableau pour venir les admirer au plus près. Dans sa peinture, Vélasquez mêle le réalisme des objets et des sujets aux fragments impressionnistes, voire quasi abstraits offerts par la reproduction subjectives des détails de décoration et costumes (tapisseries, meubles, bibelots, dentelles, rubans, pierreries, perles…) et des paysages naturels environnants : forêts, ruisseaux, ciels… Ses toiles, intelligemment architecturées et pensées, témoignent de la virtuosité de sa technique picturale et de son art du clairs-obscurs et des couleurs. Le film de Stéphane Sorlat nous offre un regard privilégié sur le travail et le parcours singuliers de Vélasquez, depuis sa Séville natale, du temps de sa splendeur économique et cosmopolite, jusqu’à la cour royale madrilène, où il fut nommé peintre de la Chambre du roi Philippe IV. Nous permettant d’appréhender ainsi et de répondre, chacun à sa manière, à l’énigme de ce maître espagnol du 17e siècle, qui transcenda sa condition de peintre de cour et peignit en toute liberté et dont la fascination s’est transmise de génération en génération jusqu'aux artistes contemporains et sans aucun doute de demain : Manet, Dali, Picasso ou Francis Bacon, entre autres, se réclamaient de lui. https://www.youtube.com/watch?v=NcpNPjJ5Ioc 
Show More
Share by: