« Animals » de Nabil Ben Yadir, avec Soufiane Chilah, Gianni Guettaf, Vincent Overath, Serkan Sancak et Lionel Maisin.
À cause de la pusillanimité de la critique professionnelle dont l’avis négatif m’avait dissuadé d’aller le voir, j’ai failli passer à côté du film le plus dérangeant, au bon sens du terme, de ce début d’année.
Avis heureusement contrebalancé par celui, plus enthousiaste et justement argumenté, des spectateurs, qui m’a, tout au contraire, encouragé à aller voir ce film dont je me souviendrai longtemps après tout un tas d’autres, adulés par la presse, que j’aurai bien vite oubliés.
Par une nuit d’avril 2012, Ihsane Jarfi, un homosexuel, fils d’une mère belge et d’un père maghrébin, âgé de 32 ans, s’est retrouvé embarqué de force dans la voiture de quatre jeunes homophobes locaux.
Tour à tour insulté, brutalisé, sodomisé avec un bâton puis proprement massacré, il sera laissé pour mort et abandonné à l’aube dans un terrain vague, entièrement dévêtu.
Pour son dernier long métrage, le scénariste, réalisateur et acteur belge, Nabil Ben Yadir, auquel on doit « La Marche » avec Jamel Debbouze (2013), s’est largement et fidèlement inspiré de ce sordide fait divers.
Du fait de ses scènes particulièrement violentes, son film a été interdit au moins de 16 ans.
Co-produit pourtant par les frères Dardenne, il est seulement diffusé à Paris dans l’une des plus petites salles du cinéma MK2 Beaubourg.
Suivant scrupuleusement un scénario intelligemment structuré, en partie double et en trois temps, et remarquablement interprété par des acteurs novices, "Animals" débute par la célébration d’un anniversaire, celui de la mère de Brahim (Soufiane Chilah), la future victime du film, et s’achève par un mariage, ou plutôt un remariage, celui du père de Loïc (Gianni Guettaf), l’un de quatre tortionnaires.
Entre ces deux moments festifs et familiaux, s’intègre l’insoutenable scène bestiale, d’environ une dizaine de minutes, du lynchage de Brahim sur le lieu du crime.
La succession de plans nerveusement rythmés, filmés camera à l’épaule, pour le premier et le dernier temps, et par les propres portables des criminels homophobes pour la scène barbare centrale, nous donne à voir et à comprendre, sans complaisance, toute l’étendue de cette tragédie contemporaine.
Plus qu’à juger les protagonistes, le film nous montre en effet que l’homophobie, qui aura raison de la vie de Brahim, trouvait déjà son origine au sein de sa propre famille, et que celle qui décuplait la violence haineuse de Loïc avait également sa source dans la sienne, ainsi que nous le révèle le plan final du film, sous forme d’un ironique coup de théâtre, dont je me garderai de vous en dire plus ici…
Arrêtés le 4 mai 2012, les quatre auteurs furent inculpés pour meurtre, avec circonstance aggravante d’homophobie. En novembre et décembre 2014 se tînt leur procès aux assises : trois d’entre eux furent condamnés à la réclusion à perpétuité pour assassinat homophobe. Le dernier à 30 ans pour meurtre homophobe.
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