« Memoria » de Apichatpong Weerasethakul, avec Tilda Swinton, Juan Pablo Urrego, Elkin Díaz et Jeanne Balibar. Prix du jury au festival de cannes 2021.
« C’est comme si une énorme boule de béton tombait dans une cuve en cuivre vide, avec la mer tout autour », ainsi Jessica (sidérante Tilda Swinton) décrit-elle l’énorme bang qu’elle entend régulièrement dans sa tête au jeune ingénieur du son, Hernan (Juan Pablo Urrego), dans son studio-laboratoire de Bogota.
Un bruit « rond et métallique », qui la fait sursauter à chaque fois et la laisse dans un état d’hébétude complète, au point qu’elle en a perdu le sommeil.
Grâce à ses indications, celui-ci parvient à le reproduire fidèlement.
Mais le spectateur, qui l’a entendu dès le premier plan du film, se demande plutôt d’où provient ce bruit et à quoi il correspond ?
Le problème étant posé, le dispositif scénaristique parfaitement mis en place, le cinéaste thaïlandais, ménageant un long et lent suspense métaphysique, ne nous donnera la solution qu’à la fin du film.
Un film bien à sa manière, en deux parties distinctes et complémentaires, qui nous conduira de la capitale colombienne à la forêt amazonienne.
A la partie urbaine et scientifique du début - Jessica est botaniste et mariée à un biologiste, prof à l’université nationale de Bogota, où elle rencontre une anthropologue française (Jeanne Balibar, telle qu’en elle-même) -, correspond une seconde partie plus naturaliste et animiste.
Là, Jessica retrouve au bord d’une rivière un pêcheur écaillant des poissons ; un Hernan, plus âgé (Elkin Díaz), qui avoue n’avoir jamais quitté son village (auparavant, le jeune Hernan de Bogota avait mystérieusement disparu).
Etrange rencontre où Jessica comprend que ses souvenirs ne sont pas les siens mais ceux de cet homme, qui est lui-même relié à la mémoire des pierres.
C’est dans cette mémoire-là que s’enracine, que s’origine le…Bang de notre histoire : un son tout à la fois archaïque et futuriste, précolombien et interstellaire !
Apichatpong Weerasethakul, pour qui le réel est toujours corrélé au surréel, orchestre ici un film symphonique où la beauté des images s’allie à la pureté des sons et, comme à son habitude, fascine ou ennuie.
Pour ma part, j’ai assisté à cette projection tel le lapin face au boa constrictor !
https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19593139&cfilm=263335.html
contact : jackybarozzi@aol.com