
« La Maman et la Putain » de Jean Eustache, avec Bernadette Lafont, Jean-Pierre Léaud et Françoise Lebrun. Sortie : 17 mai 1973 | 3h 40min.
Alexandre (angélique Jean-Pierre Léaud au zénith de sa jeunesse et de son jeu), est un jeune écrivain vivant aux crochets de Marie, patronne d’une boutique de fringues à Saint-Germain-des-Prés, sensiblement plus âgée que lui (la brune Bernadette Laffont, que la perspective de perdre son jeune amant assombrit).
Paresseux de nature mais aux journées très occupées, Alexandre, en bon adepte de l’ennui, consacre l’essentiel de son temps à ses passions amoureuses, telle celle avec Gilberte, qu’il a demandé en vain en mariage.
C’est alors qu’il croise Veronika, une infirmière de l’hôpital Laennec ( la blonde et lumineuse Françoise Lebrun) à la terrasse du Flore.
Ces jeux de l’amour, mais sans hasard, ainsi que le pense Alexandre, situés dans le cadre post existentialiste germanopratin, tournent bien vite au triangle amoureux, comme il se doit, dans la France de la révolution sexuelle des années 1970, entre un homme qui aime et est aimé par deux femmes.
Un triolisme plus traditionnel que le « Jules et Jim » de Truffaut, avec Jeanne Moreau et ses deux amants.
Faisant partie des spectateurs privilégiés ayant vu « La Maman et la putain » à sa sortie au Festival de Cannes, où il fut mal accueilli mais néanmoins récompensé, je n’en gardait que le souvenir vague d’un film bavard en noir et blanc.
Ayant disparu des écrans, pour des raisons de droits de succession, après le suicide de Jean Eustache en 1981, à l'âge de 42 ans, ce film mythique, interdit aux moins de dix-huit ans, que j’avais vu à vingt ans, ressort ces jours-ci en salle, en version restaurée.
L’occasion inespérée d’aller à la recherche d’un temps perdu, de près d’un demi siècle !
Un temps où moi aussi je portais des cheveux longs, des vestons cintrés, des pantalons à pattes d’éléphant, fumais des gauloises bleues, avais une silhouette élancée et me posais beaucoup de questions tant sur le plan affectif que professionnel.
J’ai redécouvert un film littéraire, tout en dialogues et monologues, superbement écrit, joué et mis en scène.
Justesse des propos et intensité sociologique des costumes et des décors d’une époque où l’on vivait au ras du sol, avachis sur des poufs et des matelas sans sommier, entourés de bouteilles d’alcool et de cendriers débordants de mégots !
J’avais oublié le propos essentiel de ce film, où les scènes de coucherie sont plutôt sages et banales, et je me demandais ce qui avait bien pu scandaliser la critique cannoise à l’époque ?
Ce n’était pourtant pas le vocabulaire cru, alors en usage, qui voulait que Françoise Lebrun, plus putain que maman, rôle dévolu à Bernadette Laffont, emploi le mot « baiser » ou se « faire baiser » à tour de bras et appelle un « con » un « con » et une « bite » une « bite » !
Le malaise devait venir du fait, ainsi que j’ai pu le (re)découvrir lors de cette nouvelle vision, que sous la modernité de l’oeuvre se tient un discours que l’on pourrait qualifier de conservateur, voire réactionnaire, particulièrement dérangeant.
Aujourd’hui on dirait mal pensant.
Le message sous-jacent du film d’Eustache, incarné à l’écran par Jean-Pierre Léaud, est que le sexe sans amour est sale et que la finalité de l’amour entre un homme et une femme c’est l’enfant…
Etonnant pour le cinéaste de « Mes Petites Amoureuses » (1974) et de « Une Sale histoire » (1977) !
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