« Vous ne désirez que moi » de Claire Simon, avec Swann Arlaud et Emmanuelle Devos.
En décembre 1982, après deux ans de vie commune, dans une ambiance quelque peu étouffante, le jeune Yann Andréa éprouva la nécessité de parler de la relation singulière qui le liait à Marguerite Duras, son aînée de trente-huit ans.
C'est ainsi qu'il se confia à la journaliste et écrivaine Michèle Manceaux, amie et voisine à Nauphle-le-Château de la célèbre romancière et cinéaste.
Ces confidences, enregistrées sur deux cassettes, sont longtemps restées inédites et leur contenu ne nous est parvenu qu'après la mort des intervenants.
C'est cette matière-là que Claire Simon met directement en scène dans son film, confiant à Emmanuelle Devos le rôle de l'écoutante et à Swann Arlaud celui du confessé : tous deux remarquables, notamment ce dernier qui, sans chercher la ressemblance physique avec son modèle de référence, l'incarne proprement dans ses mots et dans sa gestuelle.
Des mots et une gestuelle qui, entre exaltation et souffrance, traduisent parfaitement l'état d'âme de celui qui nous apparaît très vite à l'écran comme la victime consentante de la figure tutélaire de ce film, dont on a droit à quelques terrifiantes apparitions en plan-inserts.
Car, n'en doutons pas, dans le monde de Marguerite Duras, c'est elle, et elle seule, qui créé les mots, mène la danse et dirige les mouvements des protagonistes qui ont accepté d'entrer dans son imaginaire.
Même si dans ses livres : M.D. (Minuit, 1983) et Cet Amour-là (Pauvert, 1999) Yann Andréa nous avait déjà beaucoup parlé de sa relation amoureuse avec l'auteure de L'Amant, nous contant dans un style mimétique étonnamment durassien leur rencontre au ciné-club de Caen à l'occasion de la projection d'Indian song, leur correspondance durant plusieurs années, la naissance de leur liaison à Trouville, leurs coucheries, son homosexualité, leur ivresse dans laquelle elle l'a entraîné, leur travail en commun... ces confidences brutes, subtilement mises en scène par Claire Simon et sensiblement portées par les deux comédiens nous en disent encore plus sur la passion partagée qui les a conduit à partager aujourd'hui la même tombe du cimetière du Montparnasse, à l'instar d'autres couples célèbres de la littérature, tels Sartre et Beauvoir !
Une passion morbide, sadomasochiste, où Marguerite Duras se révèle exigeante sur le plan sexuel, dominatrice et jalouse envers son jeune amant, le contraignant à nier son homosexualité, qu'elle considère proprement comme "la maladie de la mort" !
Une période particulièrement tempétueuse de leur vie mais notoirement riche sur le plan de la création, revivifiée pour la romancière, mi sorcière mi pythie, par cette rencontre tardive et inopinée d'avec sa muse...
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