« J’ai aimé vivre là » de Régis Sauder, avec Annie Ernaux.
Ce très beau documentaire urbanistique, sociologique et politique sur la ville nouvelle de Cergy Pontoise, où les images du cinéaste témoignent en outre d'un goût soigné pour la forme, s'organise autour de la présence et surtout de la parole d'Annie Ernaux, qui s'est installée en ces lieux vers le milieu des années 1970.
C'est dans cette ville, alors vraiment toute nouvelle, qu'elle a écrit l'essentiel de ses livres.
Annie Ernaux nous parlant de Cergy, c'est un peu comme Duras nous parlant de la Cochinchine !
Tout aussi exotique que poétique et, curieusement, non dépourvu d'une certaine nostalgie, malgré qu'elle y soit toujours présente. Ainsi qu'en atteste les extraits du Journal du dehors, de La Vie extérieure et de Les Années, lus par les principaux protagonistes du film.
Le spectateur pourra trouver un peu intrusif cette présence insistante de la romancière auto fictive. Pour ma part, j'ai plutôt apprécié l'occasion qui m'a ainsi été donné de découvrir des fragments d'une oeuvre littéraire dont je ne suis pas très familier.
Moi qui ai longtemps caressé le rêve d'habiter un logement neuf, sans passé ni fantômes, j'ai été très intéressé par l'aspect purement documentaire du film, où ce fantasme est étendu à toute une cité !
Cergy vient tout juste de fêter ses cinquante ans d'existence. Certains de ses habitants, socialement et ethniquement métissés, y demeurent depuis l'origine. Nous les suivons, ainsi que leur progéniture ou de plus récents résidents au sein de leur famille, sur leur lieu de travail, dans le RER qui les relient à la capitale, ainsi que dans les divers lieux festifs et de loisirs qu'offre la ville : plages, espaces verts, forêts alentour, centre commercial des Trois fontaines, terrasses des cafés et restaurants, lieux de spectacle...
On découvre une population solidaire et très impliquée dans le domaine associatif.
Cergy accueille également un quota important d'immigrés, qu'elle traite avec beaucoup d'humanité : la patinoire publique a été transformée en dortoir.
Ici, le patrimoine est bien entretenu et l'espace public se distingue par sa propreté. Les édiles parisiens actuels devraient s'en inspirer, qui parquent leurs immigrés dans des conditions infâmes et font vivre le reste des habitants dans la crasse !
A l'heure où les médias nous renvoient continuellement une image négative de la banlieue, ce portrait positif d'une ville nouvelle est particulièrement revigorant.
L'utopie pourrait-elle s'avérer réalisable ?
Hélas, il faut noter cependant que le film est projeté seulement dans deux salles confidentielles parisiennes et que nous étions six au total hier après-midi à le visionner : le grand public préférant suivre les tribulations de Zemmour à la télévision !
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