Premières impressions de Paris
Mon arrivée à la Gare de Lyon muni d’un billet sans retour au départ de Cannes, au début des années 1970
J’avais vingt ans et je partis enfin à Paris !
Durant tout le voyage je sentis croître en moi une poussée d’enthousiasme dont l’ivresse me grisa jusqu’au moment de l’arrivée.
Lorsque je débarquai sur le quai de la gare de Lyon avec mon sac et ma vieille valise, je n’eus qu’une hâte, sortir, sortir et voir Paris !
Il faisait déjà nuit.
Nous étions en septembre. L’air était doux.
Flanqué de mes bagages, je me tenais immobile et regardais tout autour de moi.
« Etais-je tombé au beau milieu d’une fourmilière !? »
Les gens couraient en tous sens. Des grappes humaines s’engouffraient ou surgissaient du métropolitain. D’autres personnes formaient une longue file d’attente, parallèle à celle des taxis en stationnement devant la gare, et toutes les deux secondes une voiture démarrait en emportant des passagers.
Mais la file n’en devenait pas moins longue car aussitôt elle se rechargeait.
Des groupes compacts d’hommes et de femmes emplissaient l’intérieur des cafés d’en face. Toutes les lumières étaient allumées pour le grand bal. On aurait dit qu’un chorégraphe avait réglé tout cela.
En effet, les groupes se croisaient, se fondaient les uns dans les autres puis la masse des figurants anonymes s’éparpillait dans toutes les directions. Plus qu’à un ballet, j’avais l’impression maintenant d’être le spectateur privilégié d’une mise en scène d’un film à grand spectacle : un film en noir et blanc, car d’emblée la capitale m’apparut dans toute la gamme des gris : du gris pâle à l’anthracite.
Peu à peu l’enthousiasme et l’étonnement laissèrent la place à un sentiment plus trouble. Je me sentis heureux et apeuré. J’avais envie de rire, de crier, de me mêler à la danse, avec la vague intuition que mes rires auraient pu se changer en larmes. La joie et l’angoisse bouillonnaient dans ma tête. J’avais quitté le bleu des cieux du doux rivage ensoleillé de mon enfance pour rejoindre au plus vite le séjour, tant rêvé, de mon exil volontaire, qui se révéla, au premier abord, tout à la fois magnétique et inhospitalier.
Je marquai un temps d’hésitation, mais la joie l’emporta.
Je me redis alors que j’étais libre et que la vie qui commençait désormais pour moi était entièrement neuve.
Neuve, mais en sombre et brumeux et de plus en plus froid.
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