« Ordet » de Carl Theodor Dreyer, avec Henrik Malberg, Emil Hass Christensen, Birgitte Federspiel et Preben Lerdorff Rye.
Pour mieux apprécier le cinéma contemporain, rien de tel que d’aller voir ou revoir les classiques.
On redonne actuellement à la Filmothèque du Quartier Latin, « Ordet » (1955), le chef-d’oeuvre absolu de Carl Dreyer, film en noir & blanc, dans une nouvelle version numérique restaurée.
Adapté de la pièce du pasteur luthérien Kaj Munk, tué par les nazis en 1944, le film avait reçu à l’époque de sa sortie le Lion d'Or au Festival de Venise.
De Carl Theodor Dreyer (1889-1968), je ne connaissais que « La Passion de Jeanne d'Arc » (1928), un des plus beaux films muet de l'histoire du cinéma, avec l’inoubliable Renée Falconetti, et « Jour de colère » (Dies Irae), réalisé en 1943.
Enfant adoptif, abandonné par sa mère, le grand cinéaste danois fut d’abord journaliste puis se consacra pleinement au cinéma, où il débuta en rédigeant des intertitres avant d’en gravir tous les échelons et de passer à la réalisation.
Influencé par l’expressionnisme allemand, Dreyer entra au cinéma comme on entre en religion, après avoir vu « Intolérance » de D. W. Griffith (1916).
La quasi-totalité de ses films, pose la question de la place de la religion dans nos vies.
« Ordet », qui signifie en danois « la parole » ou « Le verbe », se situe à la fin des années 1920, dans les plaines nues et venteuses du Jutland.
Une nature superbe et sauvage, où domine, en lisière du littoral, le domaine de Borgensgaard, délimité par des dunes plantées de joncs.
C’est là que demeurent Morten Borgen, le « maître du logis », un patriarche luthérien, veuf, et ses trois grands fils : Mikkel, Johannes et Anders.
Mikkel, l’aîné des garçons, qui avoue avoir perdu la foi, est marié à Inger, l’unique rayon de soleil de la maison, belle femme pieuse et dévouée.
Ensemble, ils ont deux petites filles et Inger est sur le point d’accoucher d’un troisième enfant, qu’on espère être enfin le garçon tant attendu.
Le second, Johannes, ex étudiant en théologie, que la lecture de Kierkegaard a proprement rendu fou, se prend désormais pour Jésus et prêche la bonne parole à travers les dunes.
Quant au petit dernier, Anders, jeune homme obéissant et falot, il est tombé amoureux d’Anne, la fille du tailleur Petersen, et veut à tout prix l’épouser.
Hélas, les deux familles de condition sociale différente et surtout n’appartenant pas à la même chapelle luthérienne, le mariage semble impossible.
C’est alors que surgit le drame et le miracle de cette pastorale sacrée, où le rationnel le dispute à la folie.
Un film proprement sublime dans la forme et dans le fond, où la rigueur de la mise en scène atteint un tel degré de précision, de maîtrise, de rigueur et de perfection, qu’il élève et emporte le spectateur aux plus hautes sphères mystiques (en regard, les films de Bergman ont des allures de comédies).
C’est bien simple, j’étais entré mécréant à la projection et en suis ressorti en ayant retrouvé la foi !
La foi au cinéma, surement…
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