Au parc André-Citroën, le grand canal a perdu ses eaux et son jardin en mouvement n'est plus guère en mouvement...
LE VERT PARIS EST DANS LE ROUGE !
Paris peut s’enorgueillir de posséder un patrimoine végétal riche et varié.
La capitale compte en effet aujourd’hui pas moins de 450 espaces verts : bois, parcs, squares, jardins, promenades…
Un héritage qui n’a cessé de croitre et d’embellir au fil du temps, depuis les jardins royaux aménagés aux XVIIe et XVIIIe siècles jusqu’aux dernières créations paysagères : quatre siècles de l’art des jardins permettant ainsi d’offrir aux usagers quelques uns des plus beaux spécimens de jardins à la française, de parcs paysagers anglais, de jardins des années 1930 ou de parcs et jardins contemporains.
Un patrimoine ça s’appréhende, ça s’entretient et ça se développe.
A cette fin, il convient d’en faire l’inventaire, de connaitre son histoire dans les moindres détails, d’en prendre soin et de l’enrichir de créations nouvelles, caractéristiques du style, du savoir-faire et des besoins de notre époque.
Force est de constater, hélas, que le bilan global en matière de politique des espaces verts parisiens de ces deux dernières décennies est loin d’être satisfaisant !
Il faut dire que sous les mandatures précédentes, entre 1977 et 2000, il avait été particulièrement fructueux.
Plus de 150 hectares de jardins, soit plus du tiers des espaces verts publics parisiens, ont été créés par la Ville dans le dernier quart du XX° siècle.
Depuis 1977, en effet, date à laquelle Paris a élu son maire -auparavant la capitale était administrée par un préfet-, une véritable politique d’espaces verts a été mise en place. La Ville, au travers de la Direction des Parcs et Jardins, héritière du service des Promenades et Plantations du Second Empire, gère la grande majorité des jardins publics de la capitale ; quelques-uns relèvent cependant du domaine de l’Etat : les Tuileries, le Luxembourg, le Jardin des plantes, le Palais-Royal et le parc de la Villette.
Le plus grand nombre de créations réalisées sous l’autorité de Jacques Chirac puis de Jean Tiberi, est constitué de jardins de quartier et de squares de proximité, excédant rarement un hectare, mais parallèlement des créations plus ambitieuses ont vu le jour, tels le parc Georges Brassens (15e), le jardin des Halles (1er), le parc de Belleville (20e), le parc André-Citroën (15e), le parc de Bercy (12e), le jardin Atlantique (14e) ou encore la promenade plantée (12e), la promenade Richard-Lenoir (11e) ou la promenade Pereire (17e)…
Outre l’entretien des espaces verts qu’elle a reçu en héritage, parmi lesquels figure la vingtaine de cimetières parisiens intra et extra-muros, et la création de nouveaux parcs et jardins, la Direction des Parcs et jardins veillent également sur l’ensemble des arbres : environ 500 000 sujets, dont plus de la moitié dans les bois et 85 000 plantés en alignement dans les rues.
Pour ce faire et jusque au début de l’année 2000, la Direction disposait d’un effectif de plus de 4 200 personnes (dont près des 2/3 de personnels ouvriers).
Si, de 2000 à nos jours, le bilan de la gestion par Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo, concernant tout spécialement les espaces verts, reste encore à établir, on peut d’ores et déjà en esquisser l’analyse et en relater les premières constatations, non sans une réelle inquiétude.
S’agissant d’une équipe composée majoritairement d’élus socialistes et écologistes, on peut s’interroger sur le peu d’intérêt que, paradoxalement, celle-ci a apporté tant à l’entretien qu’au renouvellement de son patrimoine végétal ?
Une à deux dizaines de squares de quartiers ont été créés depuis, mais aucune réalisation d’envergure, à l’exception des jardins d’Eole (de sinistre réputation aujourd’hui), aménagés sur plus de 4 hectares entre les 18e et 19e arrondissements et inaugurés en 2007, et le parc Martin-Luther-King, totalisant une dizaine d’hectares et qui fut aménagé en plusieurs étapes dans le secteur Clichy-Batignolles (17e arrondissement). Des réalisations déjà programmées sous les mandatures précédentes.
Unique vestige de l'ancien jardin des Halles, qui a perdu l'ensemble de ses bassins et fontaines.
L’urgence et la grande préoccupation en matière d’espaces verts ayant été semble t-il pour Bertrand Delanoë, dès sa prise de fonction, de refaire le jardin des Halles, créé par son prédécesseur, et rebaptisé en 2013 jardin Nelson-Mandela. Cette vaste entreprise de refonte, menée en parallèle à celle du Forum, s’est achevée en 2018. Pour un coût record de plus d’un milliard d’euros !
L’ancienne Direction des Parcs, Jardins et Espaces Verts (DPJEV), qui occupait traditionnellement les locaux du jardin des Serres d’Auteuil (16e), a été délocalisée dans de nouveaux bâtiments de l’avenue de France (13e) et rebaptisée Direction des Espaces Verts et de l’Environnement (DEVE). La Mairie de Paris, n’hésitant pas à brader une partie des terrains de ce site historique, classé jardin botanique, au profit de l’extension du stade Roland Garros voisin. Source de polémiques sans fin entre les associations de sauvegarde du patrimoine et la Ville.
« L’originalité » de cette nouvelle Direction, à forte connotation écologique, est d’avoir favorisé et développé dans tous les arrondissements de la capitale l’émergence des « jardins partagés ». Il s’agissait, à l’origine, de permettre à quelques particuliers de cultiver des friches temporaires en attente de futures constructions publiques. Le problème est que la plupart de ces sites se sont sécularisés et malgré l’obligation faite aux privilégiés qui en ont la jouissance de permettre à tout un chacun d’y accéder, ils sont les seuls à en détenir les clés : une application on ne peut moins démocratique de la notion de jardin public !
Ajoutons à cette dérive, l’invention par la Mairie socialiste de Paris, du jardin public payant ! Comme c’est le cas désormais au Parc Floral de Paris, où l’entrée est payante du 1er avril au 30 septembre. Tarif plein : 2,50 €, Tarif réduit : 1,50 €. Les familles nombreuses et peu fortunées peuvent néanmoins toujours en bénéficier gratuitement à l’automne et en hiver…
A défaut d’une conception éthique du jardin public et d’une vision esthétique de l’art des jardins, la mairie s’est ingéniée à appliquer autoritairement une version dénaturée de l’écologisme, qui s’est traduit par une diminution sensible de l’arrosage et de la mise en eau des fontaines (sous prétexte d’économie, alors qu’il s’agit ici de circuits fermés et d’eau non potable !) et la préservation massive des mauvais herbes partant en toute liberté à l’assaut du moindre pavé, des pieds des arbres de la voirie, des bois, parcs et jardins…
Tout cela au nom de la préservation et de la reconstitution d’un écosystème naturel, qui fait principalement aujourd’hui la joie des… rats !
Scène de la vie ordinaire au champs de Mars.
Cette absence de politique globale, voire l’incompétence de la part des responsables municipaux concernant le patrimoine végétal parisien, n’est pas sans conséquences préjudiciables, ainsi que les usagers, dont je suis, peuvent quotidiennement le constater sur le terrain : manque évident de personnel de surveillance et d’entretien (il n’est pas rare de voir désormais des squares sans le moindre gardien), mauvais état du mobilier urbain et des éléments décoratifs qui les constituent, dégradation des lignes directives qui présidèrent à leur conception (le triste état actuel du parc André-Citroën en est notamment la triste illustration !)…
Sans parler de la menace d’écroulement qui pèse sur le parc des Buttes-Chaumont, dont des études réalisées il y a plus d’une vingtaine d’années prévoyaient un plan de travaux de consolidation de son sous-sol, qui n’a jamais été mis en oeuvre à ce jour !
Aussi, avant que les jardins de Paris ne se transforment définitivement en futurs terrains vagues, il m’est apparu urgent d’en retracer scrupuleusement l’histoire, ainsi qu’on peut le lire ici, en prévision du jour où une nouvelle équipe municipale s’attachera à les remettre en état.
https://www.lelezarddeparis.fr/jardins
© Jacques Barozzi, 27 janvier 2022
P.S. : Le jardin d'agronomie tropicale dans le bois de Vincennes en péril !
contact : jackybarozzi@aol.com