« Un héros » d’Asghar Farhadi, avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh et Sahar Goldust. Grand Prix au Festival de Cannes 2021.
Pour son dernier film, le cinéaste iranien de « Le Client » (2016) et « Une Séparation » (2012), a délaissé le tumulte de Téhéran pour nous transporter à Shiraz.
Dès le premier plan en effet, son héros, Rahim (lumineux Amir Jadidi), profitant d'une permission de sortie, va rejoindre son beau-frère, sur le chantier du monumental tombeau d’Artaxerxès II à Persépolis, l’ancienne capitale de l’Empire perse achéménide, située à environ 75 km au nord-est de Shiraz.
Tout un symbole !
C'est chez le beau-frère et la soeur de Rahim, emprisonné pour dettes, que demeure son fils, en attendant sa prochaine libération.
Son fils, Siavash, un adolescent perturbé, qui bégaie, ne se remet pas de l'éclatement de sa cellule familiale. C'est sur la plainte de Braham, le frère de sa mère et le principal créancier de son père, que celui-ci est incarcéré. Tandis que celle-ci les a quitté pour refaire sa vie.
Mais malgré tout ces déboires, le souriant Rahim, doté d'une bonne nature, et qui semble avoir rassemblé la somme pour rembourser Braham, reste optimiste face à l'avenir.
En prison, il a rencontré Farkhondeh (la superbe Sahar Goldust), une femme qu'il aime et qui l'aime...
C'est alors que le destin s'en mêle.
Farkhondeh a trouvé miraculeusement un sac à main plein de pièces d'or. Elle décide de les revendre et de donner l'argent à Rahim pour qu'il puisse rembourser le frère de son ex-femme.
Au dernier moment, Rahim, pris de remords, décide de restituer le sac à sa propriétaire. Il doit pour cela déclarer que c'est lui qui l'a trouvé afin de préserver la relation qui l'unit secrètement à Farkhondeh (au pays des mollahs, la discrétion s'impose).
C'est ainsi que Rahim devient le héros du jour, artificiellement gonflé par la propagande médiatique, qui s'emballe, et les institutions pénitentiaires, en mal de charia : n'est-il pas un modèle à donner en exemple à tout le pays !
Hélas, le vent mauvais souffle, et le héros va déchoir à l'état de paria : Nazanim, la fille de Braham, qui ne lui pardonne pas d'avoir englouti l'argent de sa dot, va alimenter les réseaux sociaux de fausses rumeurs.
Rahim, qui n'est ni un menteur ni un imposteur, va refuser que l'on se serve de son fils pour sa défense et choisira d'assumer ses propres responsabilités.
Sur fond de complexité humaine, politique et religieuse, Asghar Farhadi donne à voir un film tout à la fois antique, archaïque et moderne de l'Iran actuel.
Un conte persan de ton résolument réaliste, voire néo réaliste : le duo du père et du fils n'est pas sans faire songer à celui, mythique, du "Voleur de bicyclette" de Vittorio de Sica.
Ici, néanmoins, l'humiliation laisse la place à une certaine dignité, car sous ce "héros" de dérision, qui donne son titre au film, se cache en fait un authentique héros moral !
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