Portrait du jeune cinéaste israélien (plus si jeune, 46 ans) en colère
« Le Genou d'Ahed » de Nadav Lapid.
Présenté en compétition au dernier festival de Cannes, le film du cinéaste israélien a reçu le Prix du Jury, ex æquo avec « Memoria » d'Apichatpong Weerasethakul, un prix de consolation à défaut de Palme d’or.
Après son précédent film, « Synonymes » (2019), l’histoire d’un jeune juif exilé à Paris, Nadav Lapid est retourné filmer en Israël.
En attendant de trouver un hypothétique financement pour son nouveau projet, inspiré de l’histoire vraie d’Ahed Tamimi, une adolescente Palestinienne devenue célèbre en 2018 pour avoir giflé l’un des soldats israéliens qui s’étaient introduits de force dans sa maison et à propos de laquelle un député israélien a appelé sur Twitter à tirer dans son genou afin de la rendre handicapée, Y., cinéaste israélien, a répondu à l’invitation d’aller présenter l’un de ses films dans une région désertique du pays.
Nous ne verrons probablement jamais ce « Genou d’Ahed » mais avons droit en ouverture à un superbe plan de la jeune rebelle, toute de cuir vêtue et casquée, fonçant à moto sous la pluie sur une autoroute de la périphérie de Tel Aviv.
Prétexte à Nadav Lapid de montrer toute sa virtuosité de cinéaste pop, hyper doué et branché !
Totalement différent est le film de substitution qui nous est proposé sous ce même titre.
Là, son double, Y. (tel le K. De Kafka ?), le jeune cinéaste, plus si jeune que ça, remarquablement incarné jusque à l’odieux par l’acteur Avshalom Pollak, nous entraîne à sa suite dans les paysages lunaires et fantastiques de l'Arava (3000 habitants recensés).
Il y rencontre la sous-directrice des bibliothèques au ministère de la culture, native de la région, interprétée par Nur Fibak, souriante à souhait, qui lui explique que pour être payé il devra s'engager à ne parler que de sujets conformes à ceux autorisés par le régime : famille, histoire d’Israël, Shoah, etc.
Les critiques contre la politique de l'Etat d'Israël étant considérées comme des actes de traitrise et les artistes ne se soumettant pas à la règle n’ont d’autres choix que de crever de faim ou partir en exil.
C’est ainsi que le film tourne très vite au règlement de compte contre un "Ministre de l'art qui déteste l'art dans un gouvernement qui déteste les gens du peuple ».
« Le pays est foutu », déclare avec pessimisme Y.
Un véritable film coup de poing sur la liberté de penser et de créer en Israël, susceptible de déranger les uns et de raviver l’ardeur combattive des autres…
https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19592967&cfilm=273911.html
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