Couverture de la première édition de l'ouvrage, paru en 1990 et aujourd'hui épuisé. Réactualisé ici par l'auteur.
INTRODUCTION
COMMENT PARIS ENTERRAIT SES MORTS
Faut-il incinérer ? Faut-il inhumer ? Doit-on garder les morts au plus prés des vivants ? Doit-on les éloigner des centres des villes ? Les rites funéraires divergent selon les époques et les cultures, hygiène et religion ne faisant pas toujours bon ménage en la matière.
Les Gaulois brûlaient leurs défunts au fond d'une grotte ou dans un coin de forêt. Les Romains pratiquaient également la crémation et élevaient, pour les plus illustres d'entre eux, de somptueux tombeaux aux portes des villes.
La mise au jour de cinq nécropoles aux abords de l'antique Lutèce nous apprend que l'inhumation était la pratique la plus usitée en Île-de-France, à l'époque gallo-romaine. Elle n'excluait pas la crémation comme en témoignent les vases funéraires découverts à Paris.
Plus tard, une fois le christianisme solidement installé, les usages se trouvèrent profondément modifiés. Les morts étaient alors inhumés dans leur paroisse, autour des établissement religieux : églises, chapelles, abbayes, prieurés, couvents, hôpitaux...
Dès le VIe siècle les riches pouvaient être enterrés sous le pavement de leur église, tandis que les catholiques impécunieux n'avaient droit qu'à la fosse commune du cimetière paroissial. Ces fosses, nombreuses à Paris, restaient ouvertes tant qu'elles n'étaient pas remplies. Durant des siècles les cadavres allaient s'entasser dans le sous-sol parisien.
Au début du XVe siècle Paris comptait 102 lieux de sépulture, chiffre porté à 200 sous l'Ancien Régime. Le plus célèbre et le plus déplorable d'entre eux était le cimetière des Innocents, qui déployait ses sinistres charniers au coeur même de la capitale. Depuis pas mal de temps déjà, la situation était devenue intenable. Source de puanteur et d'épidémies, ces nécropoles furent fermées et désaffectées quelques années seulement avant la chute de Louis XVI. Dès lors, les ossements de plus de six millions de Parisiens - ceux du moins qui avaient été inhumés dans les couches supérieures - furent transférés vers un nouvel asile aménagé à cet effet dans d'anciennes carrières de Montrouge et improprement baptisé "Catacombes". Inaugurées en 1786, celles-ci sont accessibles par la place Denfert-Rochereau. C'est là que l'on peut voir désormais, artistiquement entassés, et dans le plus parfait anonymat, les plus anciens morts de la capitale.
Avec la fermeture de tous les cimetières intra-muros de Paris, la situation ne sera pas réglée pour autant. Suit une assez longue période de flottement, aggravée par la tourmente révolutionnaire.
LES CIMETIERES PARISIENS ACTUELS
Il fallut attendre le début de l'Empire pour que le premier préfet de la Seine, Frochot, parvienne à mettre en place une nouvelle politique en matière d'inhumation. Le décret du 23 prairial An XII (12 juin 1804) institue la création de trois grands cimetières, alors extra-muros : le cimetière de l'Est (Père-Lachaise), le cimetière du Sud (Montparnasse) et le cimetière du Nord (Montmartre). D'autres suivront, toujours selon le même principe de regroupement et d'éloignement des défunts hors de la ville. Mais, ironie du sort, lorsqu'en 1860, Napoléon III annexe les communes limitrophes, repoussant les limites de la ville du mur des Fermiers Généraux (les Grands Boulevards actuels) aux Fortifications (remplacées aujourd'hui par le boulevard Périphérique), les principaux cimetières extra-muros de Paris se retrouvèrent dans la capitale !
Aujourdíhui, Paris possède quatorze cimetiéres intra-muros. Aux trois précédents il convient d'ajouter les cimetières d'Auteuil, des Batignolles, de Belleville, de Bercy, du Calvaire, de Charonne, de Grenelle, de Passy, de Vaugirard, de la Villette, sans oublier le cimetière Saint-Vincent.
Paris dispose aussi de six nécropoles extra-muros à Bagneux, La Chapelle, Ivry, Pantin, Saint-Ouen et Thiais.
Selon que l'on réside à Paris ou que l'on y décède, on peut y acquérir une concession perpétuelle ou temporaire.
Mais l'on trouve aussi sur le territoire même de Paris six nécropoles qui ne dépendent pas de l'administration parisienne : le cimetière de Gentilly, le cimetière de Montrouge, le cimetière Sud de Saint-Mandé et les deux cimetières de Charenton-le-Pont (le cimetière Ancien et le cimetière de Valmy), qui relèvent respectivement de ces communes, sans oublier le cimetière privé de Picpus.
Père-Lachaise : Monument aux Tchécoslovaques morts pour la France.
A LA DECOUVERTE DES CIMETIERES PARISIENS
Pourquoi va-t-on au cimetière ? Généralement, pour y honorer la mémoire de nos morts : parents, amis ou simples connaissances. Mais dans les grandes mètropoles, broyeuses de vies anonymes, sans attaches particulières, et tout spécialement à Paris, on assiste de plus en plus à l'émergence d'un véritable phénomène de tourisme funéraire : plus de deux millions de visiteurs se rendent chaque année au Père-Lachaise, pour se recueillir principalement sur la tombe de personnalités, historiques ou contemporaines.
Mais pas seulement.
Les cimetières parisiens sont, en effet, des endroits propices à la promenade et à la méditation. Riches en flore et en faune, dans un environnement passablement urbanisé, ainsi qu'en oeuvres d'art diverses, ils sont tout autant des jardins et des musées en plein air que des champs de repos.
Avec leur géographie labyrinthique, le grand nombre de personnages illustres qui y sont inhumés et leurs richesses tant écologiques qu'artistiques, les nécropoles parisiennes sont des espaces rares et singuliers qui ne s'appréhendent pas facilement. Il y faut des repères et des éléments d'information.
Les pages qui suivent n'ont d'autre ambition que de vous permettre de partir à la découverte des principaux cimetières de la capitale en flâneurs éclairés. Elles se voudraient également incitatives pour les plus récalcitrants. N'hésitez plus ! Entrez dans les jardins des morts, ils regorgent de trésors et d'histoires !
contact : jackybarozzi@aol.com