Literature

by Jacky Barozzi 30 March 2025
Un séjour d'été en Dordogne. « Quand j’ai compris que chaque matin je reverrais cette lumière, Je ne pouvais croire à mon bonheur ! » HENRI MATISSE Nice entre parenthèses Le bac en poche et à la veille de m’envoler vers Paris, où j’étais parvenu à m’inscrire à la faculté de droit de la rue d’Assas, ma mère trouva le moyen de se faire renverser par un motocycliste. Souffrant d’un violent traumatisme crânien, elle fut transportée en urgence à l’hôpital de Cannes, m’obligeant à revoir mes plans de fond en comble et me replier en catastrophe sur la faculté voisine de Nice. Retardant ainsi mon rêve d’installation dans la capitale d’un an ! Je trouvai via les petites-annonces « locations » de Nice-Matin, une studette donnant sur l’arrière d’un immeuble de la promenade des Anglais, sise au 105, Promenade des Anglais, et dont l’unique fenêtre ouvrait sur la cour intérieure, où trônait un majestueux palmier longiligne planté au milieu d’un parterre de fins graviers gris. Une fois passé le porche et regagné mon petit studio, je tournais le dos à la mer. Peut importe, le bord de mer allait devenir le principal boulevard, que je sillonnerais jour et nuit : ma promenade idéale ! Au début des années 1970, les facultés françaises étaient particulièrement florissantes. Créée sept ans plus tôt à l’emplacement des Jardins de la Villa Passiflores, sur la colline de Magnan, la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Nice était tout à la fois cossue et fonctionnelle, dotée d’un superbe auditorium de 650 places, de salles d'études spacieuses et aérées, et décorée de plus d’une splendide fresque de Chagall, en céramique multicolore, contant les aventures d’Ulysse, qui couvrait tout un long pan de mur du hall central. Tandis que la vaste cour de récréation, en terrasse, regardait la mer. On disposait, entre autre, ici, d’une vaste bibliothèque avec cafeteria et d’un restaurant universitaire. Certains cours de Droit nous étaient également dispensés dans la grande salle du CUM (Centre Universitaire Méditerranéen), un beau palais art déco du centre de la Promenade des Anglais, voisin du Negresco. Je passais la journée à la fac, suivant les cours d’une oreille plus ou moins attentive, potassant à la bibliothèque, buvant un pot à la cafète avec les copains de la fac, garçons et filles joyeusement mêlés. Le soir, rendu à ma solitude, je sillonnais de long en large, la promenade des Anglais, du côté plages, pénétrais dans les ruelles étroites de la Vieille Ville par le Cours Saleya, puis me sustentais d’une spécialité niçoise, attablé à la terrasse d’un bistro situé sur une placette au carrefour de voies piétonnes. J’allais prendre ensuite le café sous les arcades de la place Garibaldi, celle par où entrèrent les travailleurs immigrés italiens, dont j’étais l’un des multiples rejetons, mâtiné du sang niçois de ma mère. Le week-end, je ne rentrais pas à Cannes, arpentant inlassablement d’autres coins de la ville : la promenade du Château avec son vieux cimetière où repose Matisse, le quartier du Vieux-Port, la colline de Cimiez jusqu’aux ruines romaines, le quartier des russes orthodoxes de la colline Saint-Philippe, où se trouvait l’institution religieuse qui avait vu passer mes parents. Au centre de l’avenue de la Victoire (aujourd’hui, avenue Jacques Médecin), je pouvais encore voir la granitique et imposante église dans laquelle ils s’étaient mariés, en septembre 1947. J’en possède toujours la photo, parmi d’autres vestiges photographiques conservés à ce jour, malgré mes nombreux déménagements ultérieurs et ma manie, à cette occasion, de me débarrasser de la plupart des documents, livres et vieux manuscrits accumulés au fil des ans. J’avais quitté ma mère à Cannes et je la retrouvais ici, à tous les coins de rues ! J’allais aussi au cinéma, cinéma de quartier et ciné-club. Le reste du temps, je lisais : cours, journaux, livres. Je découvris les premiers romans de Patrick Modiano, qui me semblèrent adressés spécialement à moi par un grand frère déjà entré dans la carrière. Devant la librairie de la rue de France, en grande partie piétonne jusqu’à la place Massena, de larges présentoirs offraient un grand choix de livres de poches, facile à piquer pour l'étudiant désargenté que j'étais. C’est de cette manière que je fis la connaissance de l’œuvre et de la vie du marquis de Sade, des malheurs de sa pauvre Justine, et de sa philosophie de boudoirs. Je lus aussi les romans de Genet et ne manquais jamais les films de Pasolini ou de Visconti. Je ne parvenais plus à refouler mon homosexualité. Auparavant, j’avais déjà eu quelques expériences, peu satisfaisantes. À Nice, n’avais-je pas toute l’autonomie nécessaire pour donner libre cours à ma sexualité ? Tard dans la soirée, la promenade des Anglais et ses plages, les Jardins Albert-1er, le Jardin Alsace-Lorraine, entre autres, se transformaient en autant de lieux de rencontre et d’échange privilégiés. Les pratiques furtives marquèrent un temps de répit dans mon combat perpétuel contre la solitude dans laquelle je me débattais pour la première fois de ma vie. À Nice, en rentrant de mes inlassables errances, personne ne m’attendait. À la fin de l’année universitaire, je fus admis en deuxième année de licence en Droit mais pas de Science-économique. Peu m’importait alors le cursus universitaire. Le plus important pour moi était de mettre fin à cette parenthèse niçoise. J’avais vingt ans et je partis enfin à Paris ! 
by Jacky Barozzi 19 March 2025
Avec le barman de l'hôtel Saint-Christophe, l'été 1969.
by Jacky Barozzi 17 March 2025
Luis Fernando Zapata et moi posant devant la série de ses tableaux monochromes de grand format peints à la pâte de marbre, exposés à l’Espace Cardin à Paris en septembre 1986. 
by Jacky Barozzi 15 March 2025
Premières impressions de Paris Mon arrivée à la Gare de Lyon muni d’un billet sans retour au départ de Cannes, au début des années 1970 J’avais vingt ans et je partis enfin à Paris ! Durant tout le voyage je sentis croître en moi une poussée d’enthousiasme dont l’ivresse me grisa jusqu’au moment de l’arrivée. Lorsque je débarquai sur le quai de la gare de Lyon avec mon sac et ma vieille valise, je n’eus qu’une hâte, sortir, sortir et voir Paris ! Il faisait déjà nuit. Nous étions en septembre. L’air était doux. Flanqué de mes bagages, je me tenais immobile et regardais tout autour de moi. « Etais-je tombé au beau milieu d’une fourmilière !? » Les gens couraient en tous sens. Des grappes humaines s’engouffraient ou surgissaient du métropolitain. D’autres personnes formaient une longue file d’attente, parallèle à celle des taxis en stationnement devant la gare, et toutes les deux secondes une voiture démarrait en emportant des passagers. Mais la file n’en devenait pas moins longue car aussitôt elle se rechargeait. Des groupes compacts d’hommes et de femmes emplissaient l’intérieur des cafés d’en face. Toutes les lumières étaient allumées pour le grand bal. On aurait dit qu’un chorégraphe avait réglé tout cela. En effet, les groupes se croisaient, se fondaient les uns dans les autres puis la masse des figurants anonymes s’éparpillait dans toutes les directions. Plus qu’à un ballet, j’avais l’impression maintenant d’être le spectateur privilégié d’une mise en scène d’un film à grand spectacle : un film en noir et blanc, car d’emblée la capitale m’apparut dans toute la gamme des gris : du gris pâle à l’anthracite. Peu à peu l’enthousiasme et l’étonnement laissèrent la place à un sentiment plus trouble. Je me sentis heureux et apeuré. J’avais envie de rire, de crier, de me mêler à la danse, avec la vague intuition que mes rires auraient pu se changer en larmes. La joie et l’angoisse bouillonnaient dans ma tête. J’avais quitté le bleu des cieux du doux rivage ensoleillé de mon enfance pour rejoindre au plus vite le séjour, tant rêvé, de mon exil volontaire, qui se révéla, au premier abord, tout à la fois magnétique et inhospitalier. Je marquai un temps d’hésitation, mais la joie l’emporta. Je me redis alors que j’étais libre et que la vie qui commençait désormais pour moi était entièrement neuve. Neuve, mais en sombre et brumeux et de plus en plus froid.
by Jacky Barozzi 6 December 2024
Elsa Triolet et Louis Aragon. UN MARIAGE DE DÉRAISON Louis Aragon rencontra Elsa Triolet, le soir du 6 novembre 1928, à La Coupole. Il avait trente-et-un ans, elle trente-deux. Montparnasse vivait alors les dernières heures des Années folles. Deux mois plus tôt, Louis avait tenté de mettre fin à ses jours à Venise, en apprenant que Nancy Cunard le trompait avec le jazzman afro-américain Henry Crowder… 
by Jacky Barozzi 26 August 2024
Marius Mascarello, résistant dévoilant la stèle en hommage à ses camarades décédés. (article de Cannes Riviera, 12 septembre 1944) Mon cousin germain, le pêcheur du Suquet Marius Mascarello (1923-2005). Entré dans la Résistance à 17 ans, il fut blessé lors des combats pour la Libération de Cannes le 24 août 1944. Surnommé Yuyu, il était le fils de Louis Mascarello et de Iraïde BAROZZI, dite Henriette, la soeur aînée de mon père.
by Jacky Barozzi 20 August 2024
Jacky va à l’école
by Jacky Barozzi 17 July 2024
Cannes 1953 : une belle promesse... 
by Jacky Barozzi 17 March 2024
LE VOYAGE INITIATIQUE Un matin de la fin juin, en parcourant le Nice-Matin , je vis une annonce qui attira mon attention. Le propriétaire d’un voilier, ancré dans le port d’Antibes, recherchait 3 garçons sportifs et une fille (18-25 ans), pour une croisière de deux mois en Méditerranée. Outre le voyage, le logement et la nourriture gratis, notre participation - aux manœuvres pour les garçons et à la cuisine pour la fille -, donnait droit à une petite rétribution. Aussitôt après, j’appelai au numéro mentionné dans l’annonce, depuis la cabine téléphonique de la place de Rocheville. Je tombai sur la compagne du propriétaire du bateau. Après m’avoir demandé si j’avais déjà fait de la voile, et que j’eusse répondu par l’affirmative alors que je n’en avais jamais fait, j’obtins un rendez-vous pour l’après-midi même. Nous fûmes nombreux à nous présenter et, malgré mon ignorance totale en la matière, facilement détectable, je fus sélectionné. Principalement sur ma bonne mine, ainsi que je l’appris par la suite. Le départ étant prévu pour le surlendemain, je demandais au propriétaire du bateau s’il avait la moindre idée de l’endroit où nous aborderions dans un mois d’ici, près de quelle grande ville où je pourrais demander à ma famille de faire suivre un pli urgent que j’attendais, la lettre qui devait me transmettre les sujets du concours d’entrée à l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques). Celui-ci me suggéra alors : « Dans un mois, parvenus au point le plus extrême de notre itinéraire, nous aborderons au sud de la Turquie. Là, nous ferons une escale de 48 heures dans le port de Bodrum, le temps de refaire le plein du bateau en eau, en essence et en victuailles et toi d’aller chercher ton courrier à la poste principale d’Izmir, la grande ville voisine, à 230 km de distance ». C’est le plan que j’adoptai et que je suivis à la lettre, si je puis dire.
by Jacky Barozzi 16 March 2024
Fin de sursis.
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