JARDIN DU LUXEMBOURG 1612-1625
6° arr., rue de Vaugirard, rue de Médicis, boulevard Saint- Michel, rue Auguste-Comte, rue Guynemer, RER Luxembourg
Un camp militaire était établi à l’époque gallo-romaine dans ce faubourg de Lutèce nommé Lucotitius, – qui a donné le diminutif de « Luco » par lequel les familiers du lieu désignent volontiers le jardin.
Au X° siècle, Robert le Pieux fit construire en ces lieux éloignés le château de Vauvert qui, abandonné, tomba vite en ruine et devint le lieu d’élection de vagabonds et autres bandits qui semaient la terreur dans le voisinage et entretenaient dans l’esprit des habitants l’idée d’un lieu hanté, et par le diable lui-même !
Ce sont les Chartreux de l’ordre de saint Bruno qui mirent fin à la légende – dont le souvenir perdure dans l’expression « aller au diable Vauvert » – en proposant à saint Louis d’exorciser l’endroit dont ils prirent possession en 1257. Ils reçurent affluence de dons qui leur permirent d’édifier un magnifique couvent, renommé pour son potager et sa pépinière. Leur enclos s’étendait sur la partie méridionale actuelle du jardin, entre le boulevard Saint- Michel et la rue Notre-Dame-des-Champs.
Après la mort de Henri IV en 1610, la reine Marie de Médicis, devenue régente du royaume au nom de son fils Louis XIII alors âgé de neuf ans, décida de se faire construire un palais dans le souvenir du palais Pitti de son enfance florentine. Elle acquit en 1612 l’hôtel du duc François de Luxembourg et les terrains adjacents, dans ce faubourg paisible et campagnard éloigné du Louvre qu’elle n’aimait guère, où s’élevaient de rares hôtels particuliers.
Tout en conservant l’ancien hôtel de Luxembourg (actuel Petit-Luxembourg, résidence du président du Sénat), elle chargea en 1615 l’architecte Salomon de Brosse de lui édifier un palais à l’italienne dans lequel elle s’installa dès 1625. Elle ne devait pas y demeurer longtemps car, s’étant opposée à la politique menée par le cardinal de Richelieu, elle fut exilée à Cologne en 1631 où elle mourut en 1642.
Le jardin fut entrepris dès 1612 et, l’année suivante, le jeune Louis XIII posait la première pierre du nouvel aqueduc d’Arcueil, destiné à amener l’eau de Rungis pour alimenter les fontaines, cascades et jets d’eau dont la reine voulait agrémenter son domaine selon la mode italienne. C’est l’ingénieur hydraulicien d’origine florentine Thomas Francine qui se chargea des travaux, menés de 1614 à 1623.
Le terrain s’étendait alors parallèlement au palais, son extension au sud étant rendue impossible par la présence du couvent des Chartreux.
Le dessin général en était sensiblement le même qu’aujourd’hui : dans l’axe du palais, le centre du jardin formait un jardin à la française dessinant des parterres brodés d’entrelacs de buis autour d’un bassin, rond à l’origine ; l’ensemble était encadré de terrasses plantées d’ifs et se poursuivait par des alignements géométriques d’ormes, au nombre de 2 000, entrecoupés d’allées à angle droit. Les concepteurs de ce jardin étaient Jacques Boyceau pour les parterres, Nicolas Deschamp pour les plantations et Thomas Francine pour les terrasses et les effets d’eau. C’est probablement à lui que l’on doit la grotte qui sera transformée au XIX° siècle pour devenir la fontaine Médicis.
André Le Nôtre, nommé premier jardinier en 1635, garda le dessin du jardin dont il remania les parterres mais c’est lui qui donna au bassin rond sa forme octogonale.
A la mort de Louis XIII, en 1643, le palais échoit à son frère, Gaston d’Orléans, puis à la fille de ce dernier, Mademoiselle de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, qui s’illustra lors de la Fronde.
La duchesse de Berry, fille aînée du régent Philippe d’Orléans, l’occupe à partir de 1715 et l’on dit qu’elle aurait fait murer les entrées du jardin pour pouvoir s’y livrer à la débauche qui l’a rendue célèbre.
En 1778, le comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII, qui loge au Petit-Luxembourg, cède 11 hectares de terrain à l’ouest (entre les actuelles rues Guynemer et Notre- Dame-des-Champs) et cette partie du jardin est alors ouverte à la promenade publique moyennant un droit d’entrée.
Devenu bien national à la Révolution, le palais abrita d’abord une manufacture d’armes avant de devenir sous la Terreur la Maison nationale de Sûreté où furent emprisonnés Camille Desmoulins, Fabre d’Eglantine, André Chénier, Danton, les peintres Hébert et David et bien d’autres encore. La vue du jardin que David peignit alors depuis sa cellule est le seul paysage qu’il ait jamais réalisé.
Le Directoire installe au Luxembourg son gouvernement (1795) et Bonaparte, après son coup d’Etat du 18 brumaire (1799) en fait le palais du Consulat avant de l’affecter en 1800 au Sénat.
Le couvent des Chartreux avait lui aussi été nationalisé et il sera finalement détruit. Le jardin du Luxembourg s’agrandit du terrain des moines qui donna enfin au palais la perspective qui lui avait toujours fait défaut au sud et dont Marie de Médicis avait rêvé.
L’architecte Jean-François Chalgrin remanie alors l’édifice (1800) pour l’adapter à sa nouvelle destination. C’est lui surtout qui, en abattant le mur de l’ancien couvent puis en traçant l’avenue de l’Observatoire (1810), donne au Luxembourg la magnifique percée qui le relie à l’Observatoire de Paris.
Pour mieux inscrire le jardin dans ce nouvel axe, il modifie le parterre central en l’agrandissant et les terrasses qui le surplombent sont ornées de balustrades. Au-delà du jardin à la française et des alignements boisés, on créa, au sud, sur l’emplacement de l’ancien jardin des moines, une zone paysagère de pelouses et d’allées sinueuses.
Napoléon, qui résida un temps au Luxembourg avant de le quitter pour les Tuileries, fit remplacer par des grilles les hauts murs dont Marie de Médicis avait clos sa résidence.
Sous la monarchie de Juillet, l’architecte Alphonse de Gisors fut chargé d’agrandir le palais et il édifia à partir de 1835 un nouvel avant-corps sur le jardin, ce qui entraîna un remaniement des parterres. C’est à lui également que l’on doit la construction de l’Orangerie (1840), qui accueillera de 1886 à 1937 le musée du Luxembourg et sert aujourd’hui de salle d’exposition temporaire.
C’est le Second Empire qui donne au jardin du Luxembourg ses dimensions actuelles – environ 23 hectares. Il est alors amputé par le percement du boulevard Saint- Michel et de la rue de Médicis à l’est tandis que la rue Auguste- Comte fait disparaître au sud l’ancienne pépinière des moines (entre la rue d’Assas et l’avenue de l’Observatoire).
Le tracé de la rue de Médicis oblige à déplacer, en 1861, la grotte de Francine qui fermait jusqu’alors le jardin à l’est. Elle fut transformée en fontaine et c’est la fameuse fontaine Médicis, précédée d’un long bassin rectangulaire et encadrée de deux rangées de platanes. Elle reçut en 1866 son groupe sculpté par Auguste Ottin qui représente Polyphème sur le point d’écraser Acis et Galatée sous un rocher ; de part et d’autre sont représentés Diane et Pan.
Cependant cette grotte devenue fontaine n’avait pas été conçue pour que l’on voie sa partie arrière et, en 1864, Alphonse de Gisors lui adossa la fontaine du Regard, élevée sous l’Empire à l’emplacement du carrefour Saint-Placide et qu’il fallut déplacer lors de l’ouverture de la rue de Rennes. Le bas-relief figurant Léda et son cygne avait été sculpté par Achille Valois (1807), alors que les deux naïades couchées aux rampants du fronton sont dues à Jean-Baptiste Klagmann (1864).
C’est à cette époque que disparaissent les ormes de Marie de Médicis, remplacés par les alignements de marronniers, tilleuls et platanes.
En 1890 est élevé le monument à Eugène Delacroix par Jules Dalou. Cette fontaine, placée en bordure des jardins réservés du Sénat, entre Grand et Petit-Luxembourg, rappelle que Delacroix avait décoré en 1847 la bibliothèque du Sénat.
De nombreuses statues ont pris place tout au long du XIX° siècle dans le jardin et c’est en tout une centaine de sculptures qui parsèment ses pelouses et ses allées. Les statues des Dames de France sont installées sur la terrasse de 1845 à 1850 à la demande de Louis-Philippe et ce furent ensuite les poètes, artistes et hommes de science qui furent mis à l’honneur ici ou là.
C’est le XIX° siècle également qui installe au Luxembourg diverses attractions destinées notamment aux enfants. Le manège de chevaux de bois, réalisé en 1879 sur les plans de Charles Garnier, fut suivi en 1881 par un premier théâtre de marionnettes (l’actuel date de 1933).
Le jardin du Luxembourg fut prisé de tout temps par les artistes et les écrivains. Au XVIII°, Watteau s’en inspira pour ses peintures tandis que Diderot et Rousseau aimaient à s’y promener. Baudelaire, Lamartine, Musset, Verlaine ou Hugo au XIX°, Gide ou Hemingway plus près de nous l’appréciaient également. Aujourd’hui, ce sont les étudiants du proche Quartier latin qui s’y retrouvent, côtoyant les familles du quartier dont les enfants l’animent de leurs rires et leurs jeux.
Jardin à la française devant le majestueux dôme du palais, jardin à l’anglaise inspirant à la flânerie romantique en bordure des rues Guynemer et Auguste-Comte, le jardin du Luxembourg n’a rien oublié de la tradition horticole des Chartreux qui se perpétue dans les cours d’arboriculture dispensés à l’emplacement même de l’ancien verger des moines. Le rucher-école de la Société centrale d’apiculture, fondé en 1856 dans la pépinière disparue lors des travaux d’Haussmann, a été rétabli en 1872 et reconstruit en 1991. L’orangerie abrite près de 200 plantes en caisse parmi lesquelles des bigaradiers (oranges amères) dont les plus anciens sont âgés de 250 à 300 ans et les serres conservent l’une des plus anciennes collections d’orchidées d’Europe, dont les origines remontent à 1838, représentant 11 000 pieds de 1 600 espèces ou hybrides différents.
https://www.lelezarddeparis.fr/jardins
Jacques-Louis David (1748–1825). Vue des Jardins du Luxembourg. 1794. Musée du Louvre.
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